Radio Tripoux et les pirates des ondes
L'aventure n'a duré que quelques mois. Mais ce vent de liberté a soufflé si fort qu'aujourd'hui encore, on se souvient des premiers mots, des premières notes de rock'n'roll crachés par les transistors, à la nuit tombée. Quand réaliser une émission de radio était un acte illicite, un acte de piraterie, de rébellion !
Cette révolution débute, comme souvent, autour
d'un verre entre copains. Sauf qu'ici, les jeunes sanflorains ne se
contentent pas d'imaginer le monde de demain, ils se l'approprient. Le
contexte est propice à une jeunesse qui s'ennuie ferme. Nous sommes en
1981. Le président Giscard-d'Estaing vit ses derniers mois à la tête de
l'État. La municipalité sanfloraine, alors dirigée par le Dr Julhe, n'a
pas du tout la côte auprès des moins de 20 ans. Le conservatisme domine.
La jeunesse exprime sa volonté de changement… sur les ondes.
Radio clandestine au bar Le Bambou
La graine germe rue des Lacs, au bar le Bambou(*) tenu par Marc Cédat. « Dès 1977, nous avons créé l'association "Comme à la radio",
pour organiser des concerts à Saint-Flour (Cantal) », se souvient
l'ancien propriétaire. Les chanteurs, compositeurs et musiciens tels
Renaud, Charlélie Couture, Hubert Félix Thiéfaine, Sugar Blue ou encore
Vince Taylor mettent le feu à la scène sanfloraine. Mais les
inconditionnels du café rue des Lacs en veulent plus. « Tout partait de
là, on n'arrêtait pas de créer, explique Jean-Pierre Teulade, l'un des
membres les plus actifs. On voulait se faire entendre dans cette ville
alors hyper-conservatrice, par désir de liberté et de provoc' (rires) ».
C'est Jacques Madebène le premier, qui émet l'idée
d'une radio pirate. À l'époque, pour communiquer hors des réseaux
officiels et très contrôlés, beaucoup utilisent la CB (Citizen's band).
L'émetteur radio reste une exception. Le groupe d'amis se cotise et
parvient à réunir l'argent nécessaire pour acheter le matériel. Une
aventure dans l'aventure. Les micros, la table de mixage et l'émetteur
sont installés sous les combles du bâtiment abritant Le Bambou.
L'antenne se distingue à peine au milieu d'un enchevêtrement de
toitures. Il lui faut un nom à cette radio clandestine. « C'est le
journaliste Christian Lamorelle qui a suggéré Radio Tripoux ». Hiver
1981, les transistors calés sur la fréquence 100 MHz crépitent. Radio
Tripoux vient de naître et avec elle, la première radio pirate en
Auvergne.