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Liberté de ton

La première radio pirate d’Auvergne a
gazouillé ses premiers mots en 1981, à
Saint-Flour


SAINT-FLOUR   LOISIRS   ART-LITTéRATURE

 
Publié le 06/12/2016

 

Au domicile de Jean-Pierre Teulade, l’esprit des radios pirates et de Radio Tripoux n’est jamais très loin ?

© photo david allignon


Fin des années 1970 à Saint-Flour (Cantal), on s’ennuie ferme ! Des jeunes prennent alors le micro pour créer Radio Tripoux, première radio pirate en Auvergne !
 


Radio Tripoux et les pirates des ondes
 

L'aventure n'a duré que quelques mois. Mais ce vent de liberté a soufflé si fort qu'aujourd'hui encore, on se souvient des premiers mots, des premières notes de rock'n'roll crachés par les transistors, à la nuit tombée. Quand réaliser une émission de radio était un acte illicite, un acte de piraterie, de rébellion !


Cette révolution débute, comme souvent, autour d'un verre entre copains. Sauf qu'ici, les jeunes sanflorains ne se contentent pas d'imaginer le monde de demain, ils se l'approprient. Le contexte est propice à une jeunesse qui s'ennuie ferme. Nous sommes en 1981. Le président Giscard-d'Estaing vit ses derniers mois à la tête de l'État. La municipalité sanfloraine, alors dirigée par le Dr Julhe, n'a pas du tout la côte auprès des moins de 20 ans. Le conservatisme domine. La jeunesse exprime sa volonté de changement… sur les ondes.

 

Radio clandestine au bar Le Bambou


La graine germe rue des Lacs, au bar le Bambou(*) tenu par Marc Cédat. « Dès 1977, nous avons créé l'association "Comme à la radio", pour organiser des concerts à Saint-Flour (Cantal) », se souvient l'ancien propriétaire. Les chanteurs, compositeurs et musiciens tels Renaud, Charlélie Couture, Hubert Félix Thiéfaine, Sugar Blue ou encore Vince Taylor mettent le feu à la scène sanfloraine. Mais les inconditionnels du café rue des Lacs en veulent plus. « Tout partait de là, on n'arrêtait pas de créer, explique Jean-Pierre Teulade, l'un des membres les plus actifs. On voulait se faire entendre dans cette ville alors hyper-conservatrice, par désir de liberté et de provoc' (rires) ».


C'est Jacques Madebène le premier, qui émet l'idée d'une radio pirate. À l'époque, pour communiquer hors des réseaux officiels et très contrôlés, beaucoup utilisent la CB (Citizen's band). L'émetteur radio reste une exception. Le groupe d'amis se cotise et parvient à réunir l'argent nécessaire pour acheter le matériel. Une aventure dans l'aventure. Les micros, la table de mixage et l'émetteur sont installés sous les combles du bâtiment abritant Le Bambou. L'antenne se distingue à peine au milieu d'un enchevêtrement de toitures. Il lui faut un nom à cette radio clandestine. « C'est le journaliste Christian Lamorelle qui a suggéré Radio Tripoux ». Hiver 1981, les transistors calés sur la fréquence 100 MHz crépitent. Radio Tripoux vient de naître et avec elle, la première radio pirate en Auvergne.

 

 

 

On voulait se faire entendre dans cette ville

alors hyper-conservatrice, par désir de liberté et de provoc'

 

                          Jean-Pierre Teulade (Membre de l'association "Comme à la radio")

 

     « C'était une grosse pagaille, sourit Jacques Madebène, le taux d'écoute était assez faible mais il y avait une immense liberté de ton et de propos ». « On travaillait tous, donc on ouvrait la radio le soir, à l'apéro. C'était l'endroit où tout se passait. Pierre Jarlier aussi venait boire des verres (rires). On avait des rubriques, comme la sœur de Marc Cédat, Geneviève, qui donnait des recettes, "Les recettes de tata Gene" », se souvient Jean-Pierre Teulade.
 

Descente de police
 

Cette effervescence n'amuse pas tout le monde. À commencer par la municipalité d'alors, cible habituelle de la petite radio illicite. « La gendarmerie cherchait par tous les moyens à stopper l'émission radio ». Sans succès. Les autorités décident d'employer les grands moyens. Un camion de police spécialement équipé pour repérer les antennes radio arrive à Saint-Flour. Heureusement, l'un des pirates a des relations. Ses parents connaissent un commissaire clermontois qui les avertit d'une descente imminente. « On a tout caché dans mon studio HLM », commente Jean-Pierre Teulade.


Mai 1981, François Mitterrand accède au pouvoir et, dans la foulée, crée les radios libres. Plus besoin de jouer au jeu du chat et de la souris. « Enfin, nous pouvons nous structurer et louer un appartement au 20, rue du Collège ». Une grille des programmes est élaborée. Toutes les nouvelles de la ville jusqu'aux résultats sportifs des clubs des environs sont diffusées. Émissions locales, culturelles, vie associative, reportages et musique rock, jazz ou classique, il y a même des petites annonces et de la publicité « avec le boucher rue des Lacs, on mettait en jeu des tripoux ! ».


Une époque dorée, où tout le monde pouvait s'exprimer en composant le 60.26.55. Entre temps, Marc Cédat est monté à Paris créer sa boîte. Rejoint plus tard par Jacques Madebène. Sans réels moyens financiers, hormis une subvention de l'État de 6.400 F, « qui nous a permis de faire vivre l'antenne pendant deux ans », résume Jean-Pierre Teulade, Radio Tripoux survit aussi grâce à ses membres bienfaiteurs. En 1984, Radio Tripoux coupe le son. Définitivement. Mais qu'importe, pour toutes celles et ceux ayant participé à la création de Radio Tripoux, la fréquence de 100 MHz n'a jamais cessé d'émettre des ondes positives.
 

(*) Aujourd'hui le restaurant Chez Geneviève.
 

David Allignon

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